Rouge de colère, rouge de honte

L’ile Maurice, pays que j’habite depuis 21 ans, a été mise sur la liste rouge écarlate décidée par le gouvernement français, depuis le 4 décembre 2021. La décision est, dit-on, motivée pour réduire la propagation du variant Omicron du SARS-CoV-2. Résultat pour ce petit pays dont la dépendance économique au tourisme international est immense : plus de touristes français jusqu’à nouvel ordre. Très égoïstement, cela signifie ne pas pouvoir accueillir de famille pour les fêtes de Noël. D’aucuns me diront que c’est un privilège de riches qui est juste mis entre parenthèses. Je regarde ces personnes avec pitié, elles n’ont que peu de bienveillance, un sentiment qui semble manquer ces derniers temps.

Mais l’impact est autrement plus important pour l’économie touristique de toute l’Afrique Australe mis au banc des accusés : l’Afrique du Sud, le Botswana, l’Eswatini (ex Swaziland), le Lesotho, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe. Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU, s’en est ému et a demandé aux pays ayant durci les relations aériennes avec ces pays bannis de revoir leurs copies. Je ne suis pas optimiste cependant qu’ils le feront et permettront aux personnes de se rendre dans ces pays ou d’en revenir avec une plus grande facilité. Les personnes concernées par le réchauffement climatique se réjouiront en disant que ça va faire des vols en moins, donc des émissions de CO2 en moins. Ne devrais-je donc pas me réjouir ? Dans un sens oui, mais la brutalité de la décision de la France, mon pays de naissance, me choque et m’a mis en colère.

Y puis-je quelque chose ? Non ! Je vais vivre avec ma colère et continuer à vivre, mais je reste à croire que cette décision vient de clouer le cercueil de la vérité pour pouvoir mieux l’enterrer. Georges Orwell, auteur de 1984 (relisez-le, ça vaut le coup, ainsi que Le Meilleur des Mondes, de Huxley), qui avait vu d’autres horreurs que celles que nous vivons, a écrit que « plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle déteste ceux qui la disent ». Si c’est malheureusement une phrase ou un concept qu’utilise les populistes et autres complotistes pour se poser en martyr, je la ressens de plus en plus que les politiques s’éloignent des connaissances scientifiques et des réalités du monde.

Pourquoi ajouter Maurice à une liste de pays bien éloigné d’elle (il faut quand même quatre heures en avion pour aller en Afrique du Sud et les liaisons aériennes étaient loin d’être rétablies complètement) ? On sait que le variant Omicron se transmet plus rapidement, mais on ne sait rien de sa gravité réelle. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que la loi des rendements décroissants s’applique aussi à la biologie et aux virus et tend à démontrer que chaque mutation d’un virus tend à en diminuer la dangerosité. Certes, des exceptions existent, mais le variant Delta a montré, dans les pays qui avaient vécu toutes les vagues de contamination, qu’il n’avait pas eu l’effet de dangerosité à priori attendu et amplifié par les médias.

Il est donc simple d’utiliser la rapidité de transmission pour cacher les raisons réelles de cette décision de « fermer les frontières ». Comprenez-bien, ma brave dame, on fait ça pour protéger la population française. Foutaises, foutaises et encore foutaises, et je pèse mes mots ! En plein mois d’août, alors que Maurice était en zone rouge, qu’il fallait être vacciné avec un vaccin accepté par l’Europe ou avoir un document décrivant le motif impérieux qui justifiait le voyage, on rentrait en France sans que personne, je dis bien personne, ne vérifie aucun document. Je le sais, j’y étais. On entendait Olivier Véran et Jean Castex répéter ad nauseam que la France était protégée quand on y rentrait comme dans un moulin.

La vérité est qu’il n’existe aucune vérité scientifique universelle certaine vis-à-vis de ce virus et de tous les autres virus, soit dit en passant. Il n’existe que des probabilités plus ou moins justes, autour desquelles sont prises des décisions politiques, à priori ou postériori. Dans le cas de la décision de la France, c’est la peur et le principe de précaution au vu des statistiques affolantes de propagation du variant, dira-t-on, qui ont guidé la décision prise en conseil des Ministres. À moins que cela ne soit qu’un prétexte cachant les désaccord sur Tromelin, la jalousie de la Réunion ou l’utilisation d’Agalega par l’Inde, que sais-je ?

Alors, je ne sais pas, je ne suis pas dans les discussions politico-diplomatiques des grands de ce monde. Je ne suis qu’en colère contre le gouvernement français aujourd’hui, je vais subir les pas de deux du gouvernement de Jean Castex qui n’a eu depuis le début de la crise aucune cohérence, aucune direction. On dit qu’il n’est pas de bon vent pour un bateau qui n’a pas de port. C’est le cas de la France, avec un capitaine qui navigue à vue, sans direction et sans conviction. La critique est aisée, l’art est difficile, c’est vrai, je le reconnais. Il n’empêche que voir de loin donne de la perspective et aujourd’hui, Emmanuel Macron a perdu mon vote à la prochaine présidentielle.

Je crois encore à la démocratie, ce système politique dans lequel le peut est souverain, dont Churchill disait qu’elle était un mauvais système, mais le moins mauvais d’entre eux. La globalisation a sans doute eu raison de la démocratie. Elle la foule au pied, faisant ressortir le pire de l’être humain: sa volonté de domination, son hubris. Alors, j’irais voter à la présidentielle et aux législatives, comme je l’ai toujours fait depuis que j’ai 18 ans, et je ressortirai de l’isoloir avec le bulletin portant le nom d’Emmanuel Macron et le mettrait à la poubelle.

Aujourd’hui je suis rouge écarlate de colère contre la France, mon pays de naissance, et totalement solidaire de Maurice, mon pays d’adoption, outragé, brisé, martyrisé, pour reprendre les mots du Général de Gaulle lors de la libération de Paris. Aujourd’hui j’ai honte de la France.

La crise ? Quelle crise ?

La question n’est plus à poser… La crise déclenchée par le SARS-Cov-2 (Covid-19 est le nom de la maladie provoquée par le SARS-Cov-2) n’est plus à expliquer. Si elle a démarré par une crise sanitaire, elle s’accompagne maintenant d’une crise économique et d’une crise sociétale. Le monde que nous avons connu avant cette crise n’existe plus et la question qui mérite d’être posée est la suivante : le monde après cette crise sera-t-il différent de celui que nous avons connu ?

Il est trop tôt pour pouvoir répondre à cette question, car chassez le naturel, il revient au galop ! Il est fort probable que les gouvernements et les banques centrales vont faire tourner la planche à billets pour sauver les entreprises et l’emploi. Et continuer le « business as usual » ! Que faire d’autres ?

Dans les jours qui viennent, je partagerai des idées, des tactiques, des astuces pour passer au travers des gouttes du SARS-Cov-2 et de ses conséquences économiques (pour le sanitaire, je vous renvoie au site de l’OMS, très bien fait). On va tous y laisser des plumes, évitons de nous faire plumer !

Photo par Dimitri Karastelev sur Unsplash