L’illusion de la compréhension algorithmique

Imaginez quelqu’un qui parle parfaitement français sans avoir jamais compris un seul mot. Impossible ? C’est pourtant exactement ce que fait l’IA.

En 1980, le philosophe John Searle propose l’expérience de pensée de la « Chambre Chinoise » : enfermez quelqu’un qui ne parle pas chinois dans une pièce, donnez-lui un manuel parfait de manipulation de symboles chinois. De l’extérieur, cette personne semble comprendre le chinois. De l’intérieur ? Elle ne fait que suivre mécaniquement des règles.

C’est exactement l’IA.

Elle manipule des tokens, calcule des probabilités, génère des réponses statistiquement cohérentes. Mais elle n’accède jamais au SENS. Elle n’a pas de modèle mental du monde, pas d’expérience vécue, pas de contexte existentiel.

Douglas Hofstadter, dans « Gödel, Escher, Bach », va plus loin : la compréhension véritable émerge de boucles étranges, de connexions entre niveaux de réalité, de l’expérience corporelle et émotionnelle. L’IA n’a ni corps ni émotion.

Résultat ? Elle rate systématiquement l’ironie, le second degré, les non-dits culturels. Elle vous dira que « je vais bien » exprime 87% de sentiment positif, sans capter que le ton, le contexte, le silence qui suit hurlent le contraire.

Un exemple concret : demandez à une IA de comprendre « C’est malin ! » dans une conversation. Compliment ou reproche ? Impossible de savoir sans le contexte social, relationnel, historique. L’humain le sait instantanément.

Parce que comprendre n’est pas décoder. C’est habiter le langage, pas le manipuler.

L’IA excelle à traiter du langage. L’humain excelle à vivre dedans.

Nuance essentielle.


Sources:

  • John Searle – « Minds, Brains and Programs » (1980)
  • Douglas Hofstadter – « Gödel, Escher, Bach: An Eternal Golden Braid » (1979), « I Am a Strange Loop » (2007)
  • Ludwig Wittgenstein – « Philosophical Investigations » (1953)
  • George Lakoff & Mark Johnson – « Metaphors We Live By » (1980)
  • Hubert Dreyfus – « What Computers Still Can’t Do » (1972)
  • Ray Jackendoff – « Foundations of Language » (2002)

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