Auteur/autrice : marc

  • Le panier pourri : quand les gens ordinaires tuent

    Le panier pourri : quand les gens ordinaires tuent

    Vous pensez que vous ne tuerez jamais ?

    L’histoire n’est pas d’accord.

    En 1971, Philip Zimbardo recrute des étudiants ordinaires à Stanford — psychologiquement stables, pas de tendances violentes — pour une simulation de prison. Assignation aléatoire : gardiens ou prisonniers.

    Résultat ? En 36 heures, le premier prisonnier a un effondrement émotionnel. En 6 jours, Zimbardo arrête tout. Les gardiens sont devenus sadiques. Les prisonniers, déshumanisés.

    Zimbardo écrit plus tard dans The Lucifer Effect : « Ce ne sont pas les pommes pourries. C’est le panier. »

    Autrement dit : le contexte compte plus que la personnalité.

    Ce n’est pas théorique.

    1947, Partition de l’Inde. Voisins hindous, sikhs et musulmans vivaient ensemble depuis des siècles. Une ligne tracée sur une carte — « vous êtes maintenant en Inde, vous en Pakistan » — et le massacre commence.

    1 à 2 millions de morts. 15 millions de déplacés — la plus grande migration forcée de l’histoire. Pourquoi ? Parce qu’une frontière a changé qui était « nous » et qui était « eux ».

    Rwanda, 1994 : 800 000 morts en 100 jours. Des voisins tuant des voisins. Des enseignants tuant leurs élèves.

    Shoah, 1940s : 6 millions de Juifs. Des « gens ordinaires » devenant des bourreaux.

    Encore et encore, l’histoire nous montre la même chose : des gens ordinaires, dans des contextes tribaux extrêmes, deviennent des tueurs.

    Ce ne sont pas des monstres. Ce sont des humains. Comme nous.

    Comme le dit Zimbardo : nous sommes tous capables du bien et du mal. Ce qui détermine lequel ? Le contexte.

    Alors, quel contexte créons-nous ?


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  • Les mots qui tuent : comment le langage crée l’ennemi

    Les mots qui tuent : comment le langage crée l’ennemi

    Le langage ne reflète pas seulement la division. Il la crée.

    Victor Klemperer était philologue à Dresde. Juif. Marié à une « Aryenne », ce qui lui a sauvé la vie. Pendant 12 ans, il a tenu un journal secret, documentant comment le nazisme a transformé la langue allemande.

    Son livre, LTI – Lingua Tertii Imperii (« La Langue du IIIe Reich »), révèle une vérité terrifiante : le nazisme n’a pas inventé de nouveaux mots. Il a changé leur sens.

    « Fanatique » est devenu une vertu. « Lutte » (Kampf) un devoir. Les Juifs sont devenus « Untermenschen » — sous-humains. Des parasites. De la vermine.

    Klemperer écrit : « Ce n’est pas seulement les actions nazies qui doivent disparaître, mais aussi la mentalité nazie, la façon de penser nazie, et son terrain fertile : la langue du nazisme. »

    George Orwell a capturé la même idée dans Politics and the English Language (1946) : « Le langage politique est conçu pour faire paraître les mensonges véridiques, le meurtre respectable, et donner une apparence de solidité au vent pur. »

    Ce n’est pas de l’histoire ancienne.

    Avant le génocide rwandais de 1994, les Tutsis étaient systématiquement appelés « cafards » (inyenzi) à la radio. Avant chaque massacre, les mots déshumanisent d’abord.

    Pourquoi ? Parce qu’il est difficile de tuer un humain. Il faut de la distance morale. Mais un « cafard » ? Un « parasite » ? Facile. Le langage supprime l’impératif moral de ne pas tuer.

    Alors oui, nos cerveaux sont tribaux. Les algorithmes amplifient. Les médias profitent.

    Mais le langage — les mots que nous choisissons — c’est l’arme finale.

    Parce que quand on change les mots, on change les ennemis.


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  • Suivez l’argent : qui gagne quand on est divisés ?

    Suivez l’argent : qui gagne quand on est divisés ?

    On a parlé de notre cerveau tribal. On a parlé des algorithmes qui nous divisent.

    Maintenant, parlons de ceux qui en profitent.

    Parce que la division, c’est rentable.

    Commençons par les médias. Une analyse des journaux américains montre qu’entre 10 et 30% des titres parlent de crime et de peur. Pourquoi ? Parce que « la peur vend. »

    Le crime aux États-Unis a baissé de façon spectaculaire depuis 30 ans. Mais les médias ne vous le diront pas. Pourquoi ? Parce qu’un monde plus sûr ne fait pas cliquer. Un monde dangereux, oui.

    Ensuite, les réseaux sociaux. On l’a vu hier : l’algorithme maximise l’engagement, pas votre bien-être. Chaque mot de colère morale ajouté à un tweet augmente les retweets de 17%. La colère est l’émotion qui voyage le plus vite en ligne.

    Une étude de Tulane University révèle même un effet pervers : les utilisateurs engagent davantage avec du contenu qui contredit leurs opinions. Pourquoi ? Parce que ça les met en rage. Et la rage, ça fait scroller.

    Enfin, les influenceurs et marketeurs. L’ »outrage marketing » est devenu une stratégie délibérée. Créer la controverse pour générer de l’engagement. Diviser pour régner. Et pendant que vous vous battez en commentaires, quelqu’un vend de la pub.

    Alors oui, on peut blâmer notre cerveau. On peut blâmer les algorithmes.

    Mais il faut surtout blâmer ceux qui monétisent notre colère.

    Parce que tant que vous êtes divisé, quelqu’un fait du cash.


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  • Les marchands de la colère : comment les algorithmes nous divisent

    Les marchands de la colère : comment les algorithmes nous divisent

    Les réseaux sociaux ne sont pas neutres. Ils sont des machines à diviser.

    Pourquoi ? Parce que la division est rentable.

    Une étude du MIT, portant sur 126 000 rumeurs diffusées sur Twitter entre 2006 et 2017, révèle une vérité terrifiante : les fausses nouvelles voyagent 6 fois plus vite que la vérité et sont 70% plus susceptibles d’être partagées.

    Pourquoi ? Parce qu’elles sont plus « nouvelles », plus choquantes, plus émotionnelles. Elles activent nos amygdales (souvenir du Jour 2). Peur, dégoût, surprise — voilà ce qui fait cliquer.

    Et les algorithmes l’ont compris.

    Tristan Harris, ancien « Design Ethicist » chez Google et cofondateur du Center for Humane Technology, dénonce cette mécanique implacable. Les plateformes sociales — Facebook, Twitter, YouTube — ne maximisent pas votre bonheur. Elles maximisent votre engagement.

    Plus vous êtes en colère, plus vous scrollez. Plus vous scrollez, plus ils vendent de pub.

    Résultat ? L’algorithme vous sert ce qui vous met en rage. Il amplifie le conflit, écrase la nuance, transforme chaque débat en guerre tribale.

    Harris le dit clairement : « Vous n’êtes pas le client. Vous êtes le produit. »

    Le vrai client ? Les annonceurs. Et ce qu’ils achètent, c’est votre attention. Plus longtemps vous restez scotché, plus ils paient.

    C’est pour ça que votre fil d’actualité ressemble à un champ de bataille. Pas par hasard. Par design.

    Alors oui, on peut blâmer notre cerveau tribal. Mais il faut surtout blâmer ceux qui exploitent ce câblage pour faire du fric.

    Parce que tant que vous êtes en colère, quelqu’un gagne de l’argent.


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  • Prisonniers de nos cerveaux tribaux

    Prisonniers de nos cerveaux tribaux

    Voici une vérité dérangeante : vous êtes programmé pour haïr.

    Pas par méchanceté. Par biologie.

    Il y a 50 000 ans, distinguer rapidement « nous » des « autres » était une question de vie ou de mort. Votre ancêtre qui hésitait à juger l’étranger ? Il s’est fait bouffer par un lion pendant qu’il philosophait.

    Résultat : notre cerveau traite l’altérité en 50 millisecondes. Avant même que la raison intervienne, l’amygdale a déjà décrété : ami ou menace.

    Robert Sapolsky, dans Behave, décrit cette mécanique implacable. Pire : l’ocytocine, cette hormone qu’on associe à l’amour et à la confiance, a un effet pervers. Elle renforce les liens internes au groupe… en augmentant la méfiance envers les externes. Autrement dit, aimer « les nôtres » implique souvent de craindre « les autres ».

    C’était utile pour survivre dans la savane. Aujourd’hui, c’est une catastrophe.

    Pourquoi ? Parce que ce câblage tribal est exploité. Les algorithmes des réseaux sociaux l’ont compris : montrez à quelqu’un un ennemi, et il cliquera. Les médias aussi : la peur vend mieux que la nuance. Les politiciens aussi : rien ne mobilise mieux qu’un bouc émissaire.

    Comme l’écrit Sapolsky : « Nous sommes des primates avec des armes nucléaires et des boutons Twitter. »

    Alors oui, nous sommes prisonniers de nos cerveaux. Mais voilà le truc : savoir qu’on est piégé, c’est déjà commencer à s’en libérer.

    La curiosité scientifique, l’honnêteté intellectuelle, le doute — ce sont nos armes contre la manipulation tribale.

    Et vous, qu’est-ce qui active votre amygdale ?


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