Récemment la haine de l’autre, du différent, s’illustre de manière inquiétante. Aux USA dans la bouche de Trump et des personnes de son entourage, la gauche est stigmatisée. Elon Musk est intervenu pendant le meeting de Tommy Robinson à Londres : « The left is the party of murder, and celebrating murder ». Stephen Miller, le second chef de cabinet en charge des questions de sécurité intérieur, pendant l’événement à la mémoire de Charlie Kirk : « We are the storm. And our enemies cannot comprehend our strength, our determination, our resolve, our passion. » « Nous » contre « eux ».
Bien évidemment, ce ne sont pas que les USA, partout les droites radicales sortent du bois avec leurs discours de différences entre eux et nous comme l’analyse admirablement Julien Devaureix dans l’épisode de Sismique consacré à la question « Trump est-il fasciste? », https://www.sismique.fr/post/trump-est-il-fasciste
Partout, le même poison : la pensée tribale.
« Nous » contre « eux ». Les bons contre les méchants. Mon camp a raison, le tien a tort.
La nuance ? Enterrée.
Le doute ? Suspect.
La différence ? Écrasée.
Jonathan Haidt, dans The Righteous Mind, décortique cette mécanique : notre cerveau est câblé pour la tribu. C’était utile quand on chassait le mammouth. Aujourd’hui, ça nous transforme en idiots dogmatiques.
Le problème n’est pas d’appartenir à un groupe. C’est de croire que ce groupe détient la vérité. Quand l’identité tribale remplace la pensée critique, on devient manipulable. Les réseaux sociaux l’ont compris : ils alimentent nos biais, nous enferment dans des bulles, amplifient la haine.
Hannah Arendt parlait de « la banalité du mal » — cette capacité humaine à commettre l’horrible en suivant le troupeau. La polarisation, c’est ça à l’échelle collective : on déshumanise « l’autre » pour mieux se sentir juste.
Pourtant, la science nous rappelle une évidence : nous sommes tous « eux » pour quelqu’un. Les travaux sur les biais cognitifs (Kahneman, encore lui) montrent qu’on juge « l’autre » plus sévèrement que « nous ». Pourquoi ? Parce qu’on refuse de voir nos propres contradictions.
Moi, je préfère Camus : l’absurde, c’est de chercher du sens dans un monde qui n’en offre pas. Mais créer du sens en diabolisant « l’autre » ? Ça, c’est de la lâcheté intellectuelle.
Alors oui, remettons en question nos tribus, nos groupes Facebook, nos partis politiques, nos églises… Osons le doute. Refusons les gourous de la division, qu’ils soient politiques, religieux ou entrepreneuriaux.
Parce que la vraie audace, c’est de penser malgré la tribu.
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