Voter est un devoir…

Le 4 juin dernier a eu lieu le premier tour des élections législatives pour les 11 circonscriptions des Français de l’Étranger. A l’ile Maurice, dont je suis résident depuis 17 ans, le taux de participation a été de 15,98 pourcents. Oui, vous avez bien lu, moins de 16 pourcents. Le député sortant, Alain Marsaud, n’a obtenu que 24,58 pourcents des votes, laissant la candidate du parti présidentiel s’envoler avec 59,47% des voix. Tant mieux pour elle, tant pis pour la démocratie. Car quelle légitimité pour un candidat futur élu avec 1276 votants sur 7981 inscrits ? A l’échelle de la 10ème circonscription, c’est à peine mieux avec 19,54% de votant, insuffisant cependant pour qu’un candidat même majoritaire au premier tour soit élu, puisqu’il lui faut au moins 25% des inscrits. Ces 19,54% ne me font penser qu’à un seul mot : honteux !

Un grand nombre de Mauriciens et Mauriciennes (on pourrait étendre à de nombreux autres pays autorisant la binationalité) ont aujourd’hui la double nationalité, acquise par le sang de leurs parents et grands-parents. En France, le droit du sang s’applique quand bien même vous ne vivez plus dans l’Hexagone depuis plusieurs générations, il suffit de déclarer la naissance au consulat français local. D’autres ont acquis la nationalité française par leur travail et leur présence en France, d’autres par le mariage. Le droit s’applique et donne le sésame tant convoité par beaucoup : un passeport Français, qui plus est maintenant Schengen. Cependant, si avoir un passeport est un droit, il s’accompagne de devoirs. Et parmi les premiers devoirs de tout citoyen d’une démocratie figure celui de voter. Par respect pour les hommes et les femmes qui se sont battus pour ce droit et par respect pour la démocratie, voter est le premier acte citoyen ! Quand plus de 84% des votants ne prennent pas la peine de se déplacer, on est en droit de se demander si la non-exécution de ses devoirs ne devrait pas engendrer de conséquences, comme la déchéance de nationalité pour les binationaux par exemple ou une amende pour l’ensemble des non votants. Amende qui servirait, par exemple, à couvrir les coûts de l’élection. Ces 84% de porteurs du droit d’être Français prennent en otage la démocratie.

Il y a encore peu de temps, les Français de l’étranger ne disposaient pas de députés. Ils avaient un sénateur, mais pas de député. La révision constitutionnelle de 2008 portée par Nicolas Sarkozy a fait créer ces 11 postes de députés supplémentaires pour que la voix des millions de Français vivant à l’étranger soit entendue à la chambre des députés. Qui plus est, quand on regarde la taille de la dixième circonscription (le Moyen-Orient et l’Afrique, d’Irak en Afrique du Sud, incluant les iles de l’Océan Indien), l’action du député sortant, son infatigable énergie ces cinq dernières années, ne pas aller voter est une insulte à la démocratie française. Je ne veux pas faire de « partisanisme » pour Alain Marsaud et Les Républicains, mais reconnaitre que l’action d’un député sur une circonscription comme la dixième des Français de l’Étranger doit être respectée. Et pour ça, la moindre des choses c’est d’aller voter. Sans doute n’est-ce pas la moindre des choses, puisqu’une majorité de porteurs de passeport Français n’ont que faire de l’action d’un député Français car, au final, elle a peu, voire pas, d’impact sur leur vie locale. Et c’est là que le bât blesse ! Messieurs, Mesdames qui n’êtes pas allés voter Dimanche 4 juin qui n’irez pas voter le 18, auriez-vous le courage de rendre votre passeport Français pour ne conserver que celui de la nationalité de votre naissance ? Si l’élection d’un député ne vous intéresse pas, pourquoi conserver votre passeport français ? Bénéficier des droits sans acquitter de ses devoirs ?

Maintenant sur l’élection elle-même, les sondages prédisent une large victoire du parti présidentiel. Les Français, ceux qui vont voter, demandent du changement, c’est bien ! Emmanuel Macron, ce Kennedy à la française, a l’avantage de la jeunesse et de l’énergie. Il emmène un vent frais venu de la société civile, c’est bien ! Que les Français, ceux qui vont voter, veuillent lui donner une large majorité, c’est bien ! Mais c’est oublier une chose essentielle : la démocratie se nourrit du débat, de la controverse et de la réflexion. Les premières actions du gouvernement Philippe et l’annonce de l’utilisation des ordonnances indiquent que la présidence Macron s’inscrit dans la droite ligne du passage en force (au passage, je vous conseille le fort intéressant article de Libé sur les ordonnances et le 49.3 et en particulier cette petite phrase : « [les ordonnances] ne sont pas beaucoup plus démocratiques [que le 49.3], car elles musèlent l’opposition, privée de tout débat parlementaire »). Comme au lendemain de l’élection des deux derniers présidents, l’espoir est grand aujourd’hui, c’est bien ! Cependant, pour que l’espoir se transforme en évolution positive de la société française, il faut cet esprit de controverse et de dialogue, parfois musclé, et ce n’est pas en donnant 400 députés à Emmanuel Macron qu’on l’aura.

Enfin, je ne suis pas certain que ces 84% qui sont restés chez eux dimanche dernier se rendent bien compte que pouvoir voter en tant que Français de l’étranger est une chance unique. Très peu de démocraties le permettent. Très peu de démocraties mettent en œuvre les moyens nécessaires à leurs ressortissants à l’étranger pour voter aux différentes élections. La France le fait car elle veut entendre la voix de tous ses citoyens. Toute personne valide qui ne va pas voter devrait avoir honte et porter cette honte sur son visage, ou rendre son passeport. Voter n’est pas qu’un droit, c’est un devoir arraché de haute lutte. Ne l’oublions jamais !

Dimanche 18, j’irais voter Alain Marsaud pour quatre raisons :

  1. Je suis Français. Avoir la nationalité française est une chance, pouvoir me nourrir de mes expériences à l’étranger me fait me rendre compte de cette chance de façon encore plus prégnante, voter est la façon de rendre hommage à la nation.
  2. Je respecte infiniment la fonction de député. Etre député ce n’est pas juste siéger sur un banc de l’Assemblée Nationale, c’est servir les citoyens et la nation. Cette fonction implique qu’on la respecte en votant.
  3. Je crois fondamentalement que la connaissance des institutions est nécessaire pour exercer des fonctions électives. Les parachutés de la société civile comme madame Amal Amélia Lakrafi ont certainement l’intelligence et l’énergie pour l’obtenir mais ils vont perdre du temps à en apprendre et comprendre le fonctionnement et de ce fait passeront moins de temps à écouter leurs mandants.
  4. La cinquième république a été conçue pour que la chambre soit un contre-pouvoir (le législatif) à celui du président (l’exécutif). La séparation des pouvoirs est inscrite dans la constitution. Faisons en sorte que le dialogue puisse avoir lieu.

Alors dimanche, allez mettre votre bulletin dans l’urne ! Voter est un devoir !

Mise à jour : au niveau national, le taux d’abstention est de 51,29%. Plus de la moitié des Français ne ce sont pas exprimés, ou plutôt on exprimé leur désintérêt des élections législatives. Cela pose deux questions : Pourquoi ? Quoi faire ?

A la première question, je pense à deux réponses. La première est que les électeurs ne savent pas à quoi sert la chambre des députés et n’en voit donc pas l’importance dans le fonctionnement de la démocratie. La seconde est que les sondages donnant une large majorité au president, ils n’ont pas vu l’importance d’aller mettre in bulletin dans l’urne. Dans les deux cas, il y a un vrai cas de conscience pour nos gouvernants pour ramener les électeurs aux urnes.

A la seconde question, je pense aussi à deux réponses. La première est de remettre l’éducation des institutions au programme des écoles, quitte à le répéter et répéter jusqu’en terminale. La seconde est de mettre en place in système d’amendes pour les électeurs qui faillissent à leurs devoirs plusieurs fois d’affilés.

Dans tous les cas, la démocratie a été prise en otage par une abstention très (trop) forte et les cinq prochaines années vont permettre au president de mener la politique qu’il souhaite, à moins que le peuple ne descende dans la rue bloquant les réformes nécessaires, ce qui a des risques d’arriver maintenant que l’opposition est réduite à sa portion congrue. Bonne chance à LREM, vous avez maintenant cinq ans pour prouver que vous pouvez vraiment changer quelque chose, sans ouvrir la porte aux extremes en 2022 !

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